L'estampe de Hiroshige de 1834 présente le relais de Goyu, 35ème étape du Tokaido, où des rabatteuses (les Tomeonna) se battent pour amener les voyageurs dans leurs établissements.
La localisation du relais est symbolisée par un point rouge :
Dans un précédent Post basé sur l'estampe commune de Hiroshige et Kunisada, le relais avait été présenté et la stratégie du Pic Vert a été évoquée.
Goyu aujourd'hui
Les auberges du XIXème siècle existent encore comme dans l'estampe.
Noter l'élégance des poteaux électriques (et des câbles !).
On remarque comme sur l'estampe des bâtiments avec 1 étage : au RDC le restaurant, en étage les chambres.
Dans le présent Post nous allons développer le racolage des voyageurs, thème central de l'estampe.
Le commerce de la chair dans les relais du Tokaido
Avec l'établissement du Shogunat en 1605, la longue période de paix qui débute, voit le développement de la richesse et des transports (voir le post sur le XVIème siècle et celui du XVIIème siècle)
Les relais-auberges sur la route du Tokaido se développent à mesure que le trafic augmente.
Les servantes de ces auberges s'appellent des Meshimori Onna (飯盛女), littéralement "les dames qui apportent le riz".
Cependant, malgré l'augmentation du trafic, la féroce concurrence entre auberges conduit certaines à proposer des services complémentaires aux clients, en particulier dans les trois relais de Goyu, Akasaka et Yoshida
C'est ainsi qu'une maxime se diffuse auprès des voyageurs :
« À quoi bon aller à Edo sans s'arréter à Goyu, Akasaka où Yoshida ? »
Les dames offrent leurs services pour un prix de 400 Mon la nuit, sachant que le salaire quotidien d'un ouvrier est de 120 Mon.
Un exemple de rigidité "flexible" de la règlementation japonaise.
Le Shogun soucieux d'imposer une morale très stricte, décide en 1617 la création de quartiers réservés et interdit la prostitution hors de ces quartiers (voir Post sur Yoshiwara).
Les auberges du Tokaido engagent un fort "lobby" auprès des autorités pour pour autoriser la prostitution dans les relais, sans succès. En 1658 le Shogun confirme l'interdiction de la prostitution dans les relais du Tokaido.
Il faut attendre 1718, pour que le Shogun autorise "officiellement" l'activité des Meshimori Onna.
Cette autorisation entraine une explosion du nombre de MeshimoriOnna si bien qu'en 1772, les autorités décident de limiter le nombre de "professionnelles" dans chaque relais : à Shinagawa la limite est fixée à 500 !
Les règles sont strictes et doivent être respectées, mais elles savent s'adapter aux besoins de la société
A proximité de Goyu, un temple qui rend hommage aux Meshimori Onna
A proximite du relais, le temple Torinji construit en 1274 héberge plusieurs stèles d'hommage aux Meshimori Onna. En effet, les maladies vénériennes, une nourriture médiocre, un travail acharné font que les Meshimori Onna atteignent rarement l'âge de 30 ans.
Les tombes des Meshimori Onna se trouvent au fond du cimetière de Torinji,
Les noms posthumes ainsi que l'âge de leur décès sont indiqués sur la tombe, de gauche à droite, sont les suivants : Nobujo Kakeishi (20 ans) Nobunjo Kagetake (22 ans) Nobuo Ikeshiro (25 ans) Nobujo Kashiyama (19 ans).
Tous les noms posthumes gravés dans les tombes portent tous les caractères « tilt » et « jo ». C’est le sens de la beauté transmis depuis la Chine ancienne. La lecture est Keisei.
Comments