Avertissement : ce post est le quatrième volet de la saga sur la place des femmes dans la famille impériale. Lisez d'abord le premier volet de cette saga puis le deuxième, puis le troisième
Dans ce quatrième volet nous évoquerons la Princesse Aiko, fille unique de l'empereur actuel Naruhito.
Cette femme symbolise tous les paradoxes du Japon moderne : elle pourrait devenir la première femme à monter sur le trône si la constitution est modifiée, ou bien elle pourrait ne plus appartenir à la famille impériale si elle se mariait avec un roturier.
A la différence des enfants dans l'estampe de Yoshiume qui jouent avec insouciance, la Princesse Aiko ne jouira pas d'une jeunesse aussi facile.
Née en 2001, alors que ses parents sont mariés depuis 8 ans et que sa mère a fait deux ans auparavant une fausse couche, elle est particulièrement attendue par tout le pays, comme expliqué dans le blog précédent
En 2006, elle rentre à l'école maternelle Gakushuin, qui traditionnellement accueille tous les membres de la famille impériale, puis en 2008 à l'école primaire Gakushuin. Son arrivée s'accompagne de modifications dans la vie de l'école (baisse du nombre d'élèves par classe de 44 à 33, distribution de cartes d'identité à puces, interdiction de prendre des photos dans l'école).
Ces règles ainsi que la non participation de Masako (mère de Aiko) à la vie scolaire déclenchent une hostilité envers la petite fille, qui en mars 2010 est retirée de l'école pour avoir été harcelée et malmenée. Rappelons qu'à cette période Masako souffre de dépression nerveuse.
La petite Aiko ne reprendra une vie scolaire normale qu'en décembre 2011.
L'Agence Impériale a démenti publiquement avoir conseillé à la direction de Gakushūin d'ajouter des médicaments dans les repas des tourmenteurs de la princesse pour les calmer.
Ensuite, un pion dans les joutes politiques et institutionnelles.
Depuis 1965, la famille impériale n'a donné naissance qu'à des filles (huit princesses au total). Or, la constitution de 1868, calquée sur le modèle prussien exclut les femmes de la succession et interdit la polygamie. La constitution de 1947, sous l'impulsion des Américains supprime la classe aristocratique, si bien que seule les membres directs de la famille impériale ont un statut particulier : il n'y a donc aucun prétendant mâle éligible au statut d'empereur.
En 2005, le gouvernement désigne alors un groupe d'experts pour réfléchir à la modification de la constitution pour garantir la pérennité de la famille impériale. Ce groupe d'experts présente un rapport le 25 octobre 2005 dans lequel il recommande que les règles de succession soit amendées pour permettre une primogéniture égalitaire : les filles ainées doivent pouvoir succéder à leur père.
Au même moment, le Prince Tomohito (cousin de l'empereur), soutient une proposition pour rétablir la polygamie chez les empereurs en affirmant que les membres mâles officiels de la famille impériale japonaise, dont il fait partie, devraient pouvoir prendre des concubines pour avoir plus de chance de produire un héritier mâle.
Le Prince Tomohito
La naissance de son cousin, le Prince Hisahito
Ce débat sera finalement "enterré" par la naissance du Prince Hisahito en septembre 2006. Après "une disette" de 41 ans, un jeune mâle est né dans la famille impériale.
La naissance de Hisahito sera un évènement majeur et fera la "une" des journaux japonais.
Comme on le voit ci-dessous, le Prince Hisahito est le seul petit fils de l'Empereur émérite Akihito. C'est le neveu de l'Empereur actuel Naruhito. C'est donc le seul héritier mâle.
L'alternative institutionnelle : Impératrice ou roturière ?
Si la constitution de 1947 n'est pas réformée, le frère cadet de l'empereur, le Prince Fumihito sera le premier dans la ligne de succession et le Prince Hisahito le second.
La Princesse Aiko quand elle se mariera, perdra ses titres pour prendre le nom de son époux, ce qui est fort probable puisque qu'aucun prétendant noble n'existe.
Et si la constitution est réformée vers un principe de primogéniture égalitaire, Aiko deviendra Impératrice.
Elle sera la première à accéder au trône dans des circonstances normales, c'est-à-dire en succédant à son père après avoir porté le titre de princesse héritière et en transmettant à ses enfants le droit de succession, ses prédécesseurs ayant toutes régné dans des contextes exceptionnels (essentiellement pendant les minorités des héritiers masculins légitimes).
Depuis décembre 2021, ayant atteint l'âge de 20 ans la Princesse Aiko est considérée comme adulte et donc à même d'exercer des fonctions représentatives en tant que membre de la famille impériale.
Le 17 mars 2022, la Princesse Aiko réalise sa première conférence de presse officielle.
Cette première intervention officielle a lieu le lendemain d'un tremblement de terre dans le nord-est du Japon qui a fait 2 morts et 160 blessés.
La Princesse fera part de sa compassion en indiquant :
"J'ai peur que certaines personnes soient mortes. Je tiens à exprimer mes plus sincères condoléances aux familles endeuillées et aux personnes touchées par la catastrophe"
Et dans un style purement japonais, elle dira en faisant preuve d'humilité et d'altruisme:
"Pour l'instant, je vais donner la priorité à mes études, mais tout en valorisant chacun de mes devoirs, je voudrais faire de mon mieux pour aider Leurs Majestés et les autres membres de la famille royale".
Imagine-t-on le Prince Harry à l'âge de 20 ans faire ce genre de déclaration ?
Ainsi se termine la saga sur les femmes dans la famille impériale japonaise avec les destinées exceptionnelles de ces trois femmes, sachant que l'avenir de la plus jeune est encore une interrogation.
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